Contre Bolloré et son monde

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Contre Bolloré et son monde
L'édition indépendante va mal. Aux éditions du commun, chaque jour nous en apporte de nouvelles preuves. Ce n'est pas seulement notre économie qui est fragile, mais celle de toute une chaîne, d'un écosystème interdépendant pris dans un effet domino. Après avoir passé des années à tirer la sonnette d'alarme, nous ne nous en étonnons pas mais nous en désolons, autant que nous constatons les effets délétères qu'a cette situation sur nous toustes. Pour le dire plus simplement : l'édition indépendante va mal, et ses travailleur.euses aussi.

Aujourd'hui nous continuons de tenir en partie grâce aux subventions publiques, dont nous appréhendons pourtant la volatilité dans le contexte politique qui est le nôtre. Le livre, tiraillé entre son statut d'objet marchand et de bien culturel, subit désormais les assauts d'une classe capitaliste résolue à faire main-basse sur l'ensemble des outils présidant à la production des idées. Le contexte international et l'inflation leur facilitent la tâche. Le virage politique en cours finit de la rendre aisée.

Le projet politique qu'incarnent les figures de Stérin et Bolloré - mais qu'ils sont loin d'être seuls à porter, est clair. Il s'agit de rendre inéluctable l'avènement politique et culturel de l'extrême-droite. Ce que le libéralisme économique avait un temps prétendu défendre : la garantie d'une forme de pluralité des idées, dans une société démocratique où "tout est possible" à quiconque souhaite entreprendre, il l'enterre désormais. Devant la force de frappe qu'exercent les grands groupes éditoriaux, dont la récente campagne autour du livre de Jordan Bardella est la meilleure illustration, nous ne sommes que des gouttes d'eau. Mais il suffit de quelques gouttes pour rendre la potion amère à boire. 

Pour nous, il ne s'agit pas seulement de survivre économiquement, ni de tenir les murs. Il s'agit de monter les barricades. De défendre coûte que coûte la possibilité d'éditer et de diffuser les textes qui murmurent à l'oreille de la rue. L'édition indépendante va mal mais elle continue d'exister. Vous la connaissez sans doute déjà : c'est elle qui s'exprime contre Bolloré, elle encore qui prend position lors des dernières législatives. Ce sont des librairies anti-fascistes, des maisons engagées, des diffuseurs et des distributeurs qui les relient entre elles.

Plus que jamais, nous avons besoin de nous tenir ensemble : pas seulement en achetant les livres, mais en les faisant vivre par les présentations, les arpentages, les ateliers d'écriture. En chérissant la circulation des idées, leur mise au travail, l'élaboration collective nécessaire à toute pensée critique partagée.